Lorsqu’en novembre 1918, la princesse Catherine Sayn-Wittgenstein, âgée de vingt-trois ans, s’enfuit devant les bolcheviks avec sa famille en traversant le Dniestr, elle emporte avec elle en Roumanie trois cahiers: les tomes II à IV de son Journal. Ce document, qui n’a pas pris une ride, s’avère d’une immense valeur. En effet, tout l’univers de l’aristocratie russe, anéanti par la révolution, est restitué ici avec l’authenticité que seul permet un journal. Nous vivons ainsi avec l’auteur, au jour le jour, les faits militaires, et la propagande qui les entoure, la révolution de Février, l’intermède démocratique qui la suit et le coup d’État des bolcheviks. Et cette frêle jeune femme ne se limite pas à nous exposer les faits. Elle exprime aussi ses opinions, parfois naïves, mais souvent étonnamment lucides.
« L’histoire nous condamnera-t-elle autant qu’elle l’a fait pour les nobles au moment de la Révolution française ? » se demande-t-elle le 31 décembre 1917, et elle ajoute plus loin : « Oui, nous avons tort pour beaucoup de choses. Même nous, notre génération. Mais avons-nous réellement mérité une punition pareille ? »