Nous sommes à Baghdâd, peu après l'an mil des chrétiens. Le raffinement des mœurs s'échappe de l'enceinte des palais et prend racine dans les rues - où la poésie, comme toujours en Orient, tient le haut du pavé. Abou'l-Qâsim al-Tamînî est de ces amoureux des mots. Sa spécialité : brocarder le ridicule en de féroces couplets. Sa profession : insulteur public.
Convié dès le matin à la table d'un riche citoyen de la ville pour un banquet qui durera jusqu'à l'aube, notre héros a pour mission de disputer ses compagnons de table, d'épingler les absents, d'égratigner les tartuffes, de ridiculiser les bien-pensants. Sorte de Panurge qui se pique de pratiquer avec art - et sans remords - toutes les formes de débauche et d'impiété, il ne se refuse aucune gourmandise, pas même celle d'un éloge éperdu à la Beauté.
Abou-Moutahhar Al-Azdî (XIe siècle) nous offre l'un des ouvrages les plus sulfureux de la langue arabe, qui mille ans plus tard n'a rien perdu de son feu intime.